Le souvenir

Le souvenir

Ce jour demeurera à jamais ancré profondément dans ma mémoire, je me souviendrais éternellement de chaque petit détail, aussi insignifiants soient-ils, non que je souhaite les conserver. Ces souvenirs représentent un fardeau, une lourde charge épuisant mes épaules et ralentissant chacun de mes pas. Cette tragédie débuta le 13 juillet, une journée ensoleillée à la chaleur inconcevable, empêchant quiconque souhaitant profiter des vacances d’été de sortir. Ce jour-ci, je ne sais pour quelle raison j’ai agi d’une manière si irrationnelle, mais j’avais décidé de sortir à l’extérieur, en pleine canicule, en ignorant les conseils avisés et sages de mes parents. Le soleil ardent, aux rayons aveuglants, illuminait sans pitié l’ensemble de mon quartier en ne laissant que de très rares zones d’ombre. Je pouvais ressentir la chaleur taper mon front exposé, d’une manière si brutale que j’en avais mal à la tête. Je continuais néanmoins à marcher, tétue, sachant que j’avais pris la mauvaise décision mais refusant de l’avouer, ne serait-ce qu’à moi-même, déterminée à détenir une chose pourtant intenable, la raison qui ne peut uniquement être recherchée acharnement, et qui cependant, est si floue. C’est alors que le silence assourdissant fut brisé par un bruit strident, bref mais puissant. Je ne pu déterminer la source de ce son si étranger mais lorsque j’aperçus une personne détenant une arme à feu courir à plein régime, sans s’arrêter ni regarder derrière elle, je compris et, au même instant mon coeur, battant de plus en plus vite, menaçait de sortir de ma poitrine, mon sang se glaça et mon corps s’immobilisa de frayeur. Un mélange de sentiments confus me poussèrent à me diriger vers la source de ce chaos me parraissant presque invraissemblable, tel une simple mise en scène destinée à me décontenancer, à me faire perdre la tête. Mes jambes n'en faisaient qu'à leur tête, semblables à des êtres indépendants, je n’étais même plus consciente de mes actions futiles, veines et imprudentes. Lorsque j’arrivai à l’endroit d'où le bruit avait retenti, je cessai de penser, de voir, d’entendre et de sentir, mes paupières commencèrent à se fermer paisiblement, mes jambes, plus capables de soutenir mon poids qui semblait avoir augmenté considérablement s’écroulèrent et mon corps se frappa violemment contre le sol brûlant, dur et cruel. Je m’étais évanouie sous le choc, personne ne devrait assister à une scène aussi effroyable que celle-ci. La première chose que je remarquai fut le liquide visqueux et froid qui avait tinté mes chaussures de rouge vif, ensuite, ce fut l’odeur qui me fit presque vomir, cette odeur putride et fésandée émanant de ce lieu et finalement, ce fut ces yeux vides, globuleux et dénués de signe de vie qui croisèrent les miens, mon regard se promena, contre mon grès, le long du cadavre dont l’âme avait été arrachée brusquement, de sa cage thoracique percée et maculée de sang aux multiples blessures démontrant la volonté de vivre de cette personne, son désir si fort de continuer à rire, à pleurer et à voir. Le fait de savoir qu’un jour, pas si lointain, cet être mutilé avait lui aussi était en vie me rongeait de l'intérieur, une fois de plus; je senti mes jambes se dérober sous mon corps et restai là, recroquevillée sur moi-même, pendant ce qui semblait être une éternité. J’étais condamnée à me souvenir de chacun des détails de cette rencontre que j'aurais amplement préféré éviter et qui incarnait la cruauté de notre monde délabré et à la verge de la ruine. Cette silhouette allait venir me hanter toutes les nuits, ses yeux terrifiés allaient me fixer éternellement et cette odeur emplirait mes narines à chaque instant. Non seulement je ne serais jamais capable de me débarrasser de ces images mais je deviendrais dans un futur proche un témoin, une pièce d’un puzzle considérée sans la moindre émotion, une simple pièce à conviction aux yeux froids et hostiles de la police, cette pensée égoïste engendra l'écoulement de quelques larmes qui perlèrent lentement le long de mes joues avant de s'écraser violemment par terre.   

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